dimanche 24 novembre 2013




L'histoire du long-métrage nous emmène dans un univers à la frontière du mythe et de la réalité. Chaque acte est une épreuve, chaque action est faite symbole, dans cette longue et dure quête de la vérité pour Simon et Jeanne.

Nawal, mère de ces-derniers, leur fait remettre deux lettres "Au père", "Au fils" ; les jeunes adultes vont devoir les remettre aux destinataires dont ils ignorent tout, jusqu'à l'existence. Si Simon se montre réticent, Jeanne se résout bien vite à obéir ; elle part donc sur les traces d'un passé mystérieux, dont le sens est obscur. L'on part avec elle du Canada pour se retrouver au Liban, pays meurtri, entre l'horreur et le bonheur, la haine et l'amour. L'adaptation de la pièce de Mouawad est magistrale ; le spectateur est tenu en haleine d'un bout à l'autre du film, sans que l'on tombe dans un simple "film à suspens".

Simon et Jeanne se voient confier une mission des plus difficiles, des plus scandaleuses aussi, en devant retrouver les deux disparus et leur remettre leur lettre respective. Mais c'est une vérité à la fois douloureuse et salvatrice qui va leur être révélée à force de recherches, et Nawal, la défunte, pour reposer en paix dans une tombe digne de ce nom, doit rompre le silence dans lequel elle s'est manifestement plongée.



Quête de la vérité, tentative d'honorer une promesse, retour aux source aussi, puisque les enfants de Nawal n'ont jamais vu cette Terre Natale qu'est le Liban, Incendies porte bien son nom, comme l'a souligné le quotidien Libération : on ressort brûlé de ce film.




Imaginez une seconde ce que peut provoquer en vous un plan comme celui-là lorsqu'il est projeté sur grand écran. C'est l'une des plus belles utilisations du spectaculaire que l'on puisse voir : toujours pleine de signification, toujours forte et propice à l'émotion, l'image atteint un sommet de beauté, reste poignante du début à la fin, et permet à tous les personnages, même Simon, qui dans son refus de la quête est presque fade à certains moments, de crever l'écran, diamétralement et radicalement. Des moments durs, à la pelle, sans que l'on sente la moindre mauvais intention de la part de Villeneuve (comme e Mouawad d'ailleurs) ; simplement une confrontation à l'horreur dont on tente de se sortir, le contenu des lettres au père et au fils, révélé à la fin, et déroutant tant il sonne comme un retour à la paix, tant il tente de mettre un terme aux chaînes de violence, de haine et de luttes acharnées, chaînes dont les protgonistes sont tous à la fois les maillons et les victimes ligotées. Le spectateur navigue entre temps présent et temps passé avec souplesse grâce à une réalisation et un scénario des plus plastiques. Ces instants de jeux temporels sont aussi ceux qui permettent d'adopter le point de vue de Nawal.



Incendies est l'histoire de cette femme qui n'arrive pas à mourir tout à fait et qui en appelle aux vivants pour pouvoir faire en sorte que son parcours ait une fin, une véritable clôture, ce que de son vivant elle n'a pas pu mettre en oeuvre. Mais c'est aussi l'histoire du Liban, dont les événements politiques, leur dimension tragique d'extrême violence, condamnent au malheur. C'est l'histoire du monde, entre violence et apaisement -d'ailleurs l'attitude qu'adopte Nawal dans le contexte politique et dans le contexte familial est parfois le même : tenter l'apaisement des contraires, que tout oppose et qui ne sont liés que par une haine sans bornes. 


Enfin, rappelons que les dialogues sont magnifiques, jamais tout à fait obscurs mais jamais univoques ou rigidement compréhensible. Ils servent remarquablement le film tout autant qu'ils tiennent presque une autonomie dans leur qualité. Les personnages sont fouillés, ambivalents, sujets aux aléas de la vie, de la raison et des passions.


Ce film est un chef-d'oeuvre. Un film intelligent, fort, d'envergure. Colossal. A voir, à revoir, encore et encore.


La Bande annonce :