mardi 4 février 2014

Alcina / Haendel / Opéra Garnier

Les Talens lyriques



L'Opéra Garnier accueille une mise en scène désormais historique (une trentaine de représentations depuis 1999) d'Alcina de Haendel.

Les voix sont sans doute aucun à la hauteur de l'orchestre, que dirige brillamment Christophe Rousset. L'interprétation que donnent les Talens lyriques de l'opéra magique de Haendel est en effet profonde, vaste, ouvrant le champ des possibles opératiques, et laissant place à la variété des mélodies et des airs, de la très vive ouverture à la lente et sourde plainte "O mio core", air long de près de 12 minutes.
L'on n'a pu s'empêcher de penser à l'enregistrement chez Erato en 1990 de l'opéra interprété par William Christie et Les Arts florissants. Christophe Rousset semble avoir voulu donner plus de profondeur côté orchestre à l'ensemble, plus tenu et ciselé, sans manquer de fluidité pour autant. L'on n'a pu s'empêcher de penser aux voix de cet enregistrement - Renée Flemming dans le rôle titre, accompagnée de Susan Graham et Nathalie Dessay, ni plus ni moins. S'il n'est probablement pas des plus aisés de concourir avec Renée Flemming - encore que l'on ne saurait prêter cette veine intention à Myrto Papatanasiu, qui fait une très belle Alcina -, on se souviendra sans doute pour longtemps de Sandrine Piau en Morgana.


 Mais si l'on est tenté de faire un rapprochement entre la production de 2014 et l'enregistrement vieux de 14 ans, ce n'est pas tant pour établir des comparaisons peut être hasardeuses entre deux interprétations, que pour souligner qu'entre 1999 et 2014, la mise en scène est toujours signée du même Robert Carsen (mentionnons au passage l'interprétation de l'Ensemble Matheus - Christophe Spinosi il y a environ cinq ans). L'on se laisse parfois dire que les livrets classiques n'ont pas d'originalité au sens moderne, qu'ils suivent le principe d'imitation avec des ressorts dramatiques assez semblables les uns aux autres (travestissements, tromperies, méprises, reconnaissances, amour, désamour...) ; mais force est d'avouer que ce brave Carsen, au moyen d'effets que d'aucuns jugeront esthétisants, d'une beauté froide, etc., a le don pour tuer toute spécificité de l'œuvre. D'une île dominée par une sorcière ayant charmé tous les mâles avoisinant, l'on passe à un intérieur bourgeois où se dressent lambris blancs (sales), tables chics et lits drapé de gris et de beige. Autant de folies donc, et un amour incompressible pour la médiocrité passe-partout. Quand on voit à quel point Robert Carsen a pignon-sur-rue de Bastille à Garnier, on se demande d'une part s'il n'y est pas fonctionnaire, et surtout, à quand est fixée sa retraite anticipée. 

Espérons que l'arrivée de Stéphane Lissner change cette curieuse habitude de l'Opéra de Paris de favoriser ces platitudes qui, sous couvert d'approche moderne, moderniste, contemporaine, et j'en passe, s'avèrent être d'un ringard infini. 

Pour réécouter le Passion Classique de Christophe Rousset invité par Olivier Bellamy de Radio Classique : par ici
http://www.lestalenslyriques.com/
http://www.operadeparis.fr/

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